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L’image des légumes : discours, représentations, et pratiques de consommation en France.
Sous la direction de Jean-Jacques Boutaud et de Clémentine Hugol-Gential.
Thèse soutenue le 19-09-2018
Depuis la mise en place du PNNS (Programme National Nutrition Santé) en 2001 en France, chacun sait qu’il faut manger des légumes quotidiennement, et ce depuis le plus jeune âge, pour bénéficier d’une alimentation équilibrée. Dans le pays dont le « repas gastronomique » a été labellisé en 2010 par le comité intergouvernemental de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine immatériel de l’humanité, la culture alimentaire a donc vu, depuis une vingtaine d’années, sa tradition basée sur le goût et la commensalité, bouleversée par une approche de plus en plus fonctionnelle de l’alimentation, centrée sur la nutrition et la santé.Le mangeur français est, dans ce contexte, assailli de discours contradictoires sur l’alimentation, mais qui tendent pour la plupart à le responsabiliser et potentiellement à le culpabiliser. Imprégné d’une culture alimentaire de plaisir et de liberté, il subit un véritable bouleversement des valeurs liées à l’alimentation.On pourrait alors penser que les pratiques ont changé et que la consommation de légumes, aujourd’hui mise en valeur par les politiques de santé publiques, a fortement augmenté. Paradoxalement, ce n’est pas le cas. La dernière étude du CREDOC montre même qu’« en 2016 (…) on n’a jamais eu aussi peu de grands consommateurs de fruits et légumes, que ce soit chez les enfants ou les adultes. » (2017). Par ailleurs, « l’atteinte du repère de cinq fruits et légumes par jour se fait avant tout en consommant plus de fruits frais » (Ibid.).Or si les dernières études montrent une baisse générale de la consommation des légumes, les classes diplômées de la société sont les seules qui conservent une consommation plus forte, principalement de légumes frais. La question est alors de savoir si le légume ne serait pas en passe de devenir un nouvel aliment distinctif, concentrant les valeurs dominantes de notre société surmoderne (Augé, 1994) reprises à leur compte par les catégories « moyennes supérieures », telles la fraîcheur, la légèreté, le naturel, etc. Si l’on peut gager une diffusion des pratiques aujourd’hui minoritaires du haut de l’échelle sociale vers le bas, suivant par là les théories de l’innovation sociale observées au fil de l’histoire, il semble pertinent de s’intéresser aux freins et leviers, au-delà des conditions matérielles, de la consommation des légumes chez ces mangeurs.Pour comprendre, interpréter, analyser la consommation des légumes en France, il s’agit ici d’étudier l’imaginaire qu’ils déploient chez les mangeurs les plus consommateurs, car si « tout fait social doit être étudié sous l’angle matériel et sous l’angle mental » (Corbeau, Poulain, 2002), les paramètres du choix rationnel sont loin d’être suffisants, dans le cas de l’alimentation en général, et des légumes en particulier, pour comprendre leur faible consommation. Dans ce cadre, la consommation de légumes est appréhendée comme source de distinction et d’intégration sociale.A partir de l’enquête de terrain sur 20 mangeurs, restreinte en nombre mais étendue de par les multiples protocoles d’enquêtes déployés, issus de catégories socioprofessionnelles diplômées, il s’agit de comprendre le rapport entre l’expérience sensorielle et même polysensorielle, sensible (multimodale) attachée aux légumes et les représentations concomitantes.De l’expérience de dégustation à l’ « image du goût » (Boutaud, 2005) des légumes, en passant par le contexte et les modalités de leur consommation, l’idée est de saisir, sur le terrain et de façon très concrète, la manière dont les discours médiatiques nombreux sur les légumes, constitutifs des imaginaires sociaux sur le sujet, sont reçus, perçus, appropriés et plus ou moins intégrés dans les pratiques des mangeurs, eux-mêmes situés à la croisée d’un faisceau de facteurs favorables ou non à l’image des légumes, à différentes échelles, consciemment ou inconsciemment.
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